Témoignage d’un homme au moment de l’accouchement, raconté par philippe edouard

Témoignage d’un homme au moment de l’accouchement, raconté par philippe edouard

Parce que ça compte aussi d’être papa ! 

Quelques tours de Grand Huit, des cours de préparation à la naissance, un chauffeur de taxi sous speed, une piscine à moitié remplie, un anesthésiste aux abonnés absents, l’ambiance !

Le témoignage d’un homme au moment de l’accouchement, raconté par Philippe Edouard.

La grossesse de Sophie c’était aussi un peu la mienne enfin presque. Ce qui grossissait surtout chez moi, c’était l’appréhension de devenir Papa. Moi, j’avais surtout l’habitude d’accoucher de nouvelles musiques, c’était mon métier de compositeur à l’image. Quand t’es rock n roll,  un  premier bébé c’est franchement plus le même refrain.  C’était même un peu flippant parce que Sophie et moi étions allés à la Foire du Trône, Porte Dorée, faire quelques tours de Grand Huit à la veille d’entendre : «  Oui Madame, vous êtes enceinte ». Cela a dû secouer un peu le bébé, non ? 

Sophie avait décidé d’accoucher à la Maternité des Lilas, dans le neuf trois comme disent les rappeurs, et là c’est cool, c’est expérimental et son choix portait sur le côté, à quatre pattes, demi-assise, en position gynécologique, debout, accroupie, sur le tabouret l’accouchement, à genoux ou dans l’eau dans l’eau ? Ouais dans l’eau ! C’est ce choix même qui l’à conduit aux Lilas.  Naturellement j’étais Ok mais je ne savais pas encore que j’allais devoir suivre des cours comme à l’école. Et je n’ai jamais aimé l’école.

Les cours de préparation à la naissance étaient donnés par les sages-femmes. 4 séances de deux heures pour nous permettre à notre couple d’être dans les meilleures dispositions pour vivre notre prochaine parentalité.  Je ne me souviens pas d’avoir été aussi bon élève à écouter, assis en tailleur à même le sol, les sages femmes.  De la gestion de la douleur, celle de la Maman et non pas la mienne,  lors de l’accouchement, en passant par la sexualité et jusqu’au retour triomphant à la maison, rien ne semblait être laissé au hasard jusqu’à anticiper les imprévus.  Il serait trop long d’en expliquer les détails. En conclusion Il nous avait malgré tout été dit : «  Aux Lilas, on n’accouche pas comme on veut mais comme on peut ». En moi-même je me suis dit : «  Ah ? … ».

Sophie et moi habitions près de la Place Péreire, dans le XVIIème arrondissement de Paris. Un appartement trois pièces au sixième étage sans ascenseur d’un immeuble cossu.  C’était un début de soirée,  un  21 janvier 1993 et Sophie, pendant le dîner avait dit : «  Je crois que c’est maintenant ».  Elle n’en était pas sûre, forcément moi non plus. Alors, nous avions fini presque tranquillement de dîner jusqu’au moment où elle a répété : «  Je crois que c’est maintenant ».  Et comme elle commençait à perdre ses eaux,  avant que je perde un peu de mon sang froid,  elle a dit d’un ton plus assuré : «  Philippe, c’est maintenant » !  J’ai dégringolé les 6 étages à la hâte, je me suis impatienté de ne pas trouver un taxi  avant d’en trouver un, j’ai remonté quatre à quatre les 6 étages, je suis redescendu avec la future maman.

« Vous pouvez pas rouler un peu moins vite s’il vous plaît ? C’est pour un accouchement ». Car là, ouais, franchement le taximan roulait comme un fou et, de façon sincère, je pensais même que le mec avait dû se faire un rail de coke, speedé qu’il était sur le périph’.  Le chauffeur s’était excusé mais j’ai encore en mémoire le crissement de ses pneus, comme dans les films, une fois arrivé dans la cour de la maternité. « Attendez ici, une sage femme va vous prendre en charge » qu’on nous a gentiment dit.  Et on a gentiment attendu. Vingt, trente minutes ?  Je ne sais plus, l’attente paraissait une éternité en tout cas. Sophie était comme une fontaine, ça coulait, ça coulait. Et on se faisait des blagues pourries pour tuer le temps et peut-être cacher notre anxiété réciproque.

Oui, trois fois oui, c’était maintenant ! « Mais vous auriez du venir plus tôt, on va vite remplir la piscine »  a dit la sage femme en ouvrant en grand les robinets.  Euh… «  Nous n’allons pas avoir le temps  de la remplir » s’est-elle désolée par la suite. « Bon, nous allons faire autrement, vous voulez une péridurale ? Ok, j’appelle l’anesthésiste ». La sage femme appelle l’anesthésiste au téléphone, une seconde sage femme arrive, Sophie est allongée et moi mes jambes me tiennent debout par miracle. « Inspirez, poussez ».  Sophie m’engueule : «  Arrête avec le vaporisateur, c’est saoulant ». Vrai que je n’y vais pas de main morte avec le vaporisateur brumisateur et toute la flotte que je lui envoie en pleine figure car, à part lui tenir la main, je ne sais pas quoi faire d’intelligent. 

Le scénario s’emballe. La piscine n’est pas remplie, l’anesthésiste pas encore arrivé, j’ai arrêté de vaporiser, Sophie vient d’accoucher à l’arrache et en un temps record, la sage femme clampe le cordon ombilical, me propose de le couper. C’est sympa mais euh… non merci. L’émotion est à son comble et  vlan ce coup de foudre ! Je n’avais jamais ressenti un tel coup foudre, un amour promis à l’éternité ! Un truc violent qui te donne la définition de l’amour au-delà de tout.  Tellement troublé que mon nouveau né m’échappe des mains et prend direct le bouillon lorsque je lui fais prendre son premier bain, quelques instants après ! 

Georges a aujourd’hui 29 ans et un petit frère, Anatole, qui en a trois de moins.  Assister à leurs naissances est un souvenir intense, rare, précieux, quand bien même je ne sais rien de la douleur d’accoucher et de l’immense privilège de donner la vie qu’ont les femmes sur la terre. Je ne sais rien de la douleur d’accoucher et tout du plaisir d’être Papa. Quel bonheur !